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ET CRITIQUE

Pétrarque et les troubadours, thèse de 1857, p. 104 ; Mézières, Pétrarque, pp. 49-50 ; Ph. Monnier, Le Quattrocento, I, 136). Sur la manie d’interpréter les auteurs allégoriquement en France au Moyen Âge, voir Piaget, Hist. de la langue et de la litt. françaises, tome II, pp. 164-165 ; Lanson. Littér. française, ch. iii, § 1, fin.

Binet semble bien se faire l’écho de cette opinion contemporaine, puisqu’il ne la dément pas. Trois passages des Œuvres auraient dû cependant lui ouvrir les yeux : 1° un sonnet de 1552, où Ronsard dit qu’il a laissé l’épopée de Francus pour chanter Cassandre ; 2° une élégie de 1554, où Ronsard dit qu’il laisse provisoirement la poésie érotique inspirée par Cassandre pour chanter Francus sur l’ordre de Henri II ; 3" une ode où il déclare revenir de Francus à Cassandre (Bl, I, 42, 125 ; II. 273).

P. 17, l. 1. — annotations. Sur cette brouille passagère de Ronsard et Du Bellay, v. H. Chamard, Rev. d’Hist. litt., 1899, pp. 43 et suiv. Le judicieux critique, s’appuyant sur les variations mêmes des trois textes de Binet, montre péremptoirement que le biographe de Ronsard a dénaturé l’origine et la portée de cette querelle au point d’en faire une vraie légende (malheureusement reproduite par les biographes postérieurs, à commencer par Colletet), et réussit à dégager la vérité des inventions qui l’encombrent. Pour sa troisième rédaction, Binet a sans doute rapproché, comme l’a fait H. Chamard, certaines déclarations de la préface primitive des Odes et de la préface de la deuxième édition de l’Olive, et a tiré de ce rapprochement des conclusions fantaisistes, que démentent le caractère et la vie de Du Bellay.

Sainte-Beuve avait déjà trouvé l’anecdote suspecte (Notice sur Du Bellay, à la suite de son Tableau..., éd. Charpentier, pp. 331-33) ; Darmesteter et Hatzfeld avaient également fait à ce sujet de prudentes réserves (Le Seizième siècle en France, éd. de 1887, p. 105).

On ne lit rien d’analogue, pas même par allusion, chez les autres panégyristes de Ronsard (Du Perron, Velliard, Critton, E. Pasquier).

Binet semble avoir recueilli à ce sujet des racontars, et comme ils furent de beaucoup postérieurs à 1549 (plus de 35 ans) on ne peut guère y ajouter foi. De qui les a-t-il recueillis ? De Baïf peut-être. Baïf semble avoir conservé une certaine amertume de ses relations avec Ronsard ; s’il y eut une brouille entre Ronsard et un membre de la Brigade, ce fut entre Baïf et Ronsard (cf. ci-après, p. 129, aux mots « qui estoit Baïf »). Or Binet n’a pas dit un mot de cette brouille, Baïf s’étant bien gardé de lui faire des confidences à ce sujet, ou lui ayant raconté que Ronsard avait tous les torts. À noter d’autre part que le rôle de Baïf dans la querelle Du Bellay-Ronsard, signalé en A, a disparu en B, probablement à la prière de Baïf.

P. 17, l. 2. — livres des Odes. C’est la deuxième fois que Binet mentionne les Amours avant les Odes. Ici il commet une grave erreur en faisant paraître les Amours soit avant les Odes, soit en même temps. Les Quatre livres des Odes parurent en février 1550 ; les Amours seulement en octobre 1552, avec le Cinquiesme livre des Odes (voir ma thèse sur Ronsard p. lyr., pp. 29 et 78). Nouvelle preuve que Binet n’a pas consulté l’édition princeps des Amours, pas