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hors de notre conscience, et devient par conséquent accessible à la prise de l’expérimentateur.

C’est dans cette sévère formule que Ribot enfermait autrefois la définition de la méthode expérimentale ; et il concluait qu’il n’y a que deux éléments qui soient modifiables et maniables par l’expérimentateur, les excitations, pour provoquer des sensations, et les actes, qui traduisent des états de conscience[1].

Cette définition m’a toujours paru un peu étroite, et comme trop matérielle ; elle convient surtout à une étude de sensations, comme celles qui consistent à poser des poids sur la main d’une personne à qui l’on demande de décider quel est le poids le plus lourd. Tout naturellement, ceux qui s’inspirent de la physiologie en sont venus à admettre que, pour qu’il y ait expérimentation, il faut la double condition suivante : que l’excitant soit un agent matériel, et que l’excitation soit un effet direct et presque immédiat de l’excitant. Je vais montrer comment on peut élargir cette conception.

Par excitation, nous devons entendre non seulement l’application d’un agent matériel sur nos organes des sens, mais encore tout changement que nous, expérimentateurs, nous provoquons à volonté dans la conscience de notre sujet ; ainsi le langage est pour le psychologue un excitant bien plus précieux, et je dirai tout aussi précis que les excitants sensoriels ; le langage permet de donner à l’expérimentation psychologique une amplitude considérable. D’autre part, nous devons cesser de nous borner à l’étude de l’effet immédiat que l’excitant produit ; cet effet immédiat, c’est la sensation ; du moins, on l’a pensé jusqu’ici ; et on a fait de l’expérimentation psychologique en étudiant la sensation provoquée ; en réalité, un excitant quelconque, sensoriel ou verbal, produit un ensemble de

  1. Psychologie allemande contemporaine, p. XX.