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peut n’être accompagnée d’aucune espèce d’images appréciable ; ou bien la pensée peut être accompagnée de certaines images, qui sont insuffisantes pour l’illustrer complètement.


Images qui succèdent à l’audition d’un mot.

Il est possible qu’à l’audition d’un mot une pensée précise se forme sans être accompagnée d’aucune image appréciable ; mes deux sujets me l’ont déclaré, sans hésiter, et spontanément, et à plusieurs reprises. Pour bien comprendre la portée de cette affirmation, il faut donner quelques éclaircissements. Nous avons vu dans d’autres expériences que, lorsqu’une personne entend un mot, il y a un court moment où ce mot est compris, sans donner lieu à une image. De même, il suffit de lire rapidement des mots comme maison, bêche, cheval, pour s’apercevoir qu’on peut comprendre ce qu’ils signifient, mais ne pas les appliquer à des objets précis, et ne rien imaginer. Ce sont là des pensées sans images. Dans les expériences et observations que je vais décrire, le cas est différent et beaucoup plus intéressant. Il ne s’agit plus d’une pensée vague et indéterminée, comme précédemment ; le mot n’est pas seulement compris, il est appliqué à un objet défini, cet objet est comme désigné par un geste mental ; c’est Monsieur un tel, ou c’est le clocher de tel village : on pense à cet objet et quelquefois même on a cherché volontairement à s’en donner une image ; mais l’image n’est pas venue.

Je cite un exemple ; il m’est fourni par Armande, celle des deux fillettes qui a, bien plus souvent que sa sœur, cette stérilité d’images après une recherche volontaire. Je lui dis le nom de F… ; c’est le nom d’une personne bien connue, que nous avons eue comme domestique pendant six ou sept ans, et qu’on revoit de temps en temps, cinq