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mots avaient été écrits, je commencais mes interrogatoires la plume à la main, écrivant intégralement questions et réponses. Je demandais d’abord pour un mot quelle signification il avait ; et ensuite, seconde question, je demandais comment on avait passé du mot précédent à ce mot-là ; les deux interrogations se suivaient, et ce n’était qu’après les avoir épuisées que j’examinais le mot suivant.

On se rappelle que j’ai fait écrire 320 mots à Marguerite, par séries de 20 mots ; je regrette de ne pas l’avoir interrogée sur ses associations d’idées pour tous ces mots-là ; je ne l’ai interrogée que sur les 60 derniers mots. Au contraire, pour Armande, l’interrogation a porté sur les 300 mots qu’elle a écrits. Ce serait bien peu de chose comme documents, si je n’étudiais les associations de Marguerite que sur 60 mots ; je profiterai de quelques séries nouvelles que je lui ai fait écrire plus récemment pour augmenter le nombre de mes observations.

La première question qu’on aimerait résoudre est celle de savoir si l’esprit se rend compte de ses liaisons avec le même degré de conscience que de ses idées. A priori, il semble que non. La liaison est une transition, un hiatus ; elle n’a pas de nature substantielle ; c’est un moyen d’avoir une idée, ce n’est pas une idée : toutes raisons pour que la liaison soit mal perçue. Voyons ce que l’observation nous apprend à cet égard.

Marguerite, sur 60 mots qu’elle a écrits, est incapable d’expliquer 13 transitions : dans la première série de 20 mots il y a 8 transitions inexpliquées ; dans la seconde série écrite le même jour, il y en a 4, et dans la troisième série, 1 mot seulement demeure inexpliqué. Cette diminution si rapide se comprend très facilement. Marguerite ne savait pas, quand elle a écrit la première série, qu’on l’interrogerait sur les transitions, elle n’y a donc pas fait attention ; dès qu’on l’a avertie, et qu’elle a vu à quelle