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personnelle, ou attribution à notre moi du phénomène de conscience qui vient de s’accomplir ; ce serait par défaut de cette perception personnelle que s’expliqueraient beaucoup de désordres de la sensibilité et du mouvement chez les hystériques. Chez les scrupuleux, en revanche, la préoccupation exagérée de la personne donne lieu à des désordres d’une nature toute différente.

On ne croirait pas, à première vue, que notre test de 20 mots à écrire pût donner quelques renseignements sur ce sentiment de la personnalité. Cependant, le fait est exact. Nous avons vu que Marguerite écrit un très grand nombre de noms d’objets présents ; elle en a une proportion de 39 %, beaucoup plus grande que la moyenne de sa sœur Armande, qui est de 10 %. Or, parmi les objets appartenant au milieu extérieur, j’ai compté ceux qui concernent le sujet lui-même, son corps et ses vêtements par exemple. Ces objets personnels sont très rares dans les séries de mots écrits par Armande ; ils sont, au contraire, assez fréquents chez Marguerite. J’en trouve 15, disséminés dans presque toutes les séries ; ces mots s’appliquent tous à sa personne ou à des parties de son costume ; je n’ai pas fait entrer dans la liste les objets qui lui appartiennent, comme sa bicyclette, et qui sont au moins aussi nombreux ; peut-être devrait-on les compter, car ils sont probablement inspirés par la même idée, et sont comme une extension de sa personnalité. Ce que nous possédons, alors surtout que nous avons un sentiment vif de notre droit de propriété, ne fait-il pas partie de nous-mêmes ? Il est donc intéressant de trouver dans cette expérience sur la recherche des mots quelques signes semblant démontrer chez l’aînée des deux sœurs une préoccupation de son existence et une attention particulière aux objets qui lui appartiennent.

En cela, Marguerite ne fait, du reste, que se conformer à la règle commune. Son cas est le même que celui des