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en une seule fois : 1o on constatait si la différence de vitesse des deux sœurs se maintient quand toutes deux faisaient des efforts volontaires pour aller vite ; 2o on examinait quelle influence les changements de vitesse exercent sur la nature et la signification des mots écrits.

J’ai fait l’expérience le 8 octobre ; j’ai prié tour à tour chacun de mes deux sujets d’écrire une série avec vitesse maxima, et une autre série avec une très grande lenteur. Voici d’abord les temps :


Vitesse maxima. Vitesse minima.
Marguerite 1m17 3m45
Armande 1m20 3m13


Ainsi, Marguerite, quand elle s’en donne la peine, est aussi rapide qu’Armande ; sa vitesse naturelle est inférieure à celle d’Armande, sa vitesse maxima est équivalente. Ce fait montre d’abord qu’il n’y a pas une relation nécessaire entre les deux vitesses, et ensuite qu’il ne faut pas attacher trop d’importance à la différence de vitesse des deux sœurs.

Voyons, en second lieu, l’influence des changements de vitesse sur la nature des mots écrits.

Commençons par Marguerite : dans l’épreuve rapide il y a 7 mots inexpliqués, soit 35 %, tandis que sa proportion habituelle est de 4,6 % ; dans l’épreuve lente, il n’y a qu’un seul mot inexpliqué. Donc, la rapidité a produit de l’automatisme. Résultat facile à comprendre, sinon à prévoir. Marguerite a remarqué d’elle-même que si elle est pressée, elle écrit les mots n’importe lesquels, sans choisir, sans s’arrêter à leur sens. Chez Armande aussi, la hâte a produit l’automatisme. « Je pense moins ce que j’écris, » remarque-t-elle spontanément. Et, en effet, presque tous les mots de la série rapide sont inconscients : il y en a 16, ou 80 %, proportion qu’elle n’a jamais atteinte, quand elle écrit de son allure ordinaire : dans ce cas, le