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tales, il ne faudrait pas s’adresser au vocabulaire littéraire courant, qui n’exprime que des ensembles complexes d’aptitudes, mais aller demander un secours aux propriétés primitives de l’esprit ; voilà ce qu’il est facile de comprendre : pour faire une bonne synthèse, il faut faire une synthèse qui soit explicative. Mais alors, dans combien de difficultés on s’engage ! Croit-on que notre psychologie moderne soit capable de donner des explications de caractères ? Elle a déjà fort à faire de constater les propriétés mentales. Lorsqu’elle établit que chez un individu il existe une grande variation psychologique, j’entends par là une tendance au changement, elle peut donner hypothétiquement à ce fait tangible beaucoup d’explications, mais elle n’est sûre d’aucune. La tendance au changement peut provenir, dira-t-on, d’un caractère de l’attention volontaire, qui facilement change de direction. Voilà une première explication, empruntée à la volonté. Cette tendance à la variation tient aussi, pourra-t-on dire, aux propriétés des images mentales ; chez tel sujet considéré, les associations de contraste et de ressemblance sont mieux développées que les associations de contiguïté ; et comme ces premières associations sont évocatrices de changement, tandis que les secondes sont des forces conservatrices, on s’explique que la prépondérance des premières donne à l’individu de l’instabilité mentale. Cette seconde explication fait donc intervenir, non la volonté, mais les lois de l’intelligence proprement dite. D’après une troisième explication, la tendance à la variation provient d’un état instable de la sensibilité et du tonus émotionnel. En suivant cette troisième hypothèse, on trouverait que les variations ne dépendent point d’une faiblesse ou d’une incoordination de l’attention, pas plus que du mode d’éveil des images, mais de ce fait élémentaire que le sujet se dégoûte vite de ce qui lui plaît, s’ennuie de ce qui l’a amusé, méprise ce qu’il a admiré, ou souffre de ce qu’il