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Arrivé à ce point de mes études, je me sentis un peu embarrassé ; forcé de conclure que Marguerite a plus de mémoire littérale que sa sœur, je trouvais que c’était là une formule trop vague, je sentais qu’il y avait au fond de tout cela quelque chose qui n’était pas suffisamment analysé.

Entre temps, je fis deux fois une expérience qui m’est familière : je présentai à chaque jeune fille un carton sur lequel j’avais collé au préalable divers objets ; le carton restait sous l’observation pendant un temps fixé d’avance à 30 secondes, puis mon sujet devait écrire de mémoire tout ce qu’il se rappelait avoir vu sur le carton. C’est une épreuve de mémoire, cela va sans dire ; mémoire des yeux et mémoire des objets. L’épreuve serait très infidèle si on se contentait de faire nommer les objets vus ; je l’ai montré ailleurs ; pour savoir exactement ce que la mémoire de chacun a retenu, il faut l’obliger à donner sur chaque objet le plus grand nombre possible de détails. Je fus bien surpris de constater les deux fois que la rédaction d’Armande valait celle de Marguerite ; je m’attendais à trouver une grande inégalité.

Je rendrai compte seulement de la dernière de ces expériences ; elle a eu lieu le 26 octobre 1901. Je montrai à ces deux jeunes filles un grand carton sur lequel j’avais collé 9 objets, des timbres, des photographies, des étiquettes, des boutons, etc. Sur ces 9 objets, chacun de mes sujets en a oublié 1 ; le nombre des retenus est donc de 8. La comparaison des détails de description est plus délicate ; cependant, je crois pouvoir dire que, pour deux des 8 objets, les détails donnés sont équivalents ; il y a 3 objets mieux décrits par Armande, et 2 objets mieux décrits par Marguerite. Armande a eu en outre quelques illusions de couleur et de forme, et a moins bien retenu les positions que sa sœur. Somme toute, les résultats sont équivalents, et d’après l’inspection de cette seule expérience, on ne s’at-