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que sa sœur. Or, le nombre de mots retenus était à peu près le même de part et d’autre, et les différences en plus ou en moins étaient tout à fait insignifiantes.

Voici des exemples. Expérience faite le 5 mars 1901. Je lis les 20 mots suivants :

fusil, mouchoir, corbeau, potage, guignol, tendresse, chimère, statue, canon, lilas, souci, théâtre, plaisir, prairie, folie, parfum, chapeau, fumée, regard, police.

Armande écrit de mémoire, aussitôt après les 12 mots suivants : police, regard, chapeau, chagrin, fusil, mouchoir, théâtre, tendresse, souci, parfum, fumée, canon.

Marguerite écrit 12 mots, ce ne sont pas les mêmes plaisirs, tendresses, prairies, chapeau, police, fusil, mouchoir, guignol, canon, folies, lilas, théâtre. Les procédés employés pour se rappeler me paraissent analogues. Armande dit qu’elle a tâché de se rappeler les mots les uns après les autres en les répétant, ou bien en trouvant un certain rapport entre les mots. L’explication de Marguerite est à peine différente. « J’ai tâché, dit-elle, quand tu dis un mot, de me le représenter comme un objet que je connaissais. » Malgré plusieurs interrogations, je n’ai pas réussi à savoir si les deux sœurs emploient un procédé mental différent. Ce qui me parut plus important, c’est qu’Armande se rappelle un aussi grand nombre de mots que Marguerite. Je m’attendais à ce que Marguerite en retînt le double.

Je cite encore : une expérience de 20 mots faite le 18 décembre 1900 ; ces mots ont été lus par moi exactement en 30 secondes. Marguerite en retient 11, Armande 11 aussi. Une autre fois (24 août 1901) je ne lis pas la série de 20 mots, je la laisse sous les yeux de mes sujets, qui doivent l’étudier pendant 1 minute. Marguerite en retient 11 et Armande en retient 11 aussi. Dans cette expérience, Armande répète plusieurs fois qu’elle n’ose pas écrire tel ou tel mot, parce qu’elle craint que ce ne soit pas celui du texte.