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tant que toutes deux, sauf de rares exceptions, savent parfaitement bien les leçons que je leur donnais à apprendre, je n’étais pas curieux de rechercher si l’une avait plus de peine et mettait plus de temps que l’autre à apprendre la leçon. Mais les tests de psychologie que je venais de faire ayant éveillé mon attention sur ce point, je m’adressai à la mère des jeunes filles pour lui demander ce qu’elle avait remarqué. Elle me répondit aussitôt, et sans hésitation, que Marguerite avait la meilleure mémoire, et qu’Armande éprouvait beaucoup de peine à apprendre par cœur. Cette observation confirmait jusqu’à un certain point mes précédentes expériences, et il ne m’en fallut pas davantage pour me persuader qu’il y avait réellement une grande inégalité de mémoire entre les deux sœurs.

Les expériences méthodiques que je fis d’abord confirmèrent entièrement cette vue.

Je commençai par une épreuve qui m’a toujours donné des résultats très nets, et que j’ai pris plaisir à répéter un grand nombre de fois ; cette épreuve consiste tout simplement à faire apprendre par cœur un morceau de prose ou de vers, en fixant le temps nécessaire pour cette étude, ou bien en fixant la longueur du morceau à apprendre ; dans le premier cas, le nombre des mots appris donne une mesure de la mémoire ; dans le second cas, la mesure est fournie par le temps dépensé pour apprendre. On voit combien cette méthode est simple ; son mérite est de reproduire, en le précisant, un travail avec lequel tout écolier est familiarisé par un exercice quotidien. Qui donc n’a pas tous les jours, quand il est élève, une leçon à apprendre par cœur ? Si la méthode est simple, elle n’en est pas, pour cette raison, plus employée. J’ai eu, ces temps derniers, l’occasion de m’entretenir avec beaucoup d’instituteurs qui ont adopté l’excellente pratique des dossiers d’élèves, et qui ont grand soin de consigner dans chaque dossier une appréciation sur la mémoire