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Le travail fini, elle avoue qu’elle a été énervée. Dans la suite, le travail est devenu plus machinal, mais jamais aussi silencieux que celui de sa sœur ; Marguerite restait plus loquace. Cela est curieux, cet énervement qui accompagne une grande et régulière continuité de l’effort intellectuel. On se serait plutôt attendu à ce qu’il se produisît chez Armande, qui a l’esprit plus capricieux, l’humeur plus changeante.

L’impatience nerveuse de Marguerite ne se manifeste pas seulement par son attitude et ses paroles involontaires ; elle se marque curieusement dans de très petits détails ; ainsi, Marguerite s’est souvent trompée en barrant les lettres ; elle en barrait certaines qui ne lui avaient pas été signalées ; puis, s’apercevant de suite de son erreur, elle la corrigeait ; elle a fait 13 de ces ratures. Armande, plus calme, a commis seulement 6 erreurs dans la totalité des quatre épreuves, et ne les a point corrigées, soit qu’elle ne les ait pas aperçues, soit qu’elle ait jugé inutile de revenir là-dessus. La forme des traits est aussi assez différente ; ceux d’Armande sont courts, réguliers, frappant la lettre en plein, et légèrement inclinés de haut à droite (en sens inverse de l’inclinaison de l’écriture) ; la longueur moyenne des 20 derniers traits qu’elle a tracés est de 2mm, 4 ; elle oscille entre 2 et 3mm. Marguerite marque des traits plus longs, plus irréguliers, plus inclinés de haut à droite, frappant la lettre avec moins de précision ; leur longueur moyenne, pour les 20 derniers traits de la 4e séance, est de 3mm,06, et oscille entre 2 et 6mm. Ces différences de régularité et de précision proviennent en partie de ce que Marguerite se hâte davantage ; elles doivent aussi provenir de ce qu’elle est plus énervée, car j’ai remarqué dans des expériences analogues sur des enfants d’école que lorsque ce travail les énerve, ils allongent beaucoup le trait. J’ai fait la même constatation sur mes deux fillettes, en les obligeant, à la fin de la 4e séance à barrer d’autres