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d’une neige éblouissante, que les chemins couverts d’hermine blanche ; c’est triste, c’est lugubre ; tout au fond de ce jardin solitaire, tremblent les restes d’un vieux portique sur lequel les corbeaux viennent sinistrement croasser lorsqu’ils n’ont plus rien à faire. C’est mortel de vivre dans cette maison aux fenêtres closes, aux rideaux tirés ; les vieux pianos dorment dans les salons, reposant leurs cordes anciennes, les fenêtres ne s’ouvrent plus, tout est usé, rouillé par le temps et surtout l’inaction ; tout respire une odeur âcre de la pièce que l’on n’aère pas. Les vieux fauteuils se regardent tristement comme d’anciens camarades habitués à vivre ensemble, ils se regardent de leurs dorures éteintes, et les grandes statues se plaignent amèrement de leur solitude, il fait froid au dehors et on ne chauffe pas la maison qui tremble de douleur, les chaises s’approchent inutilement de la cheminée jadis flamboyante !

Mais lorsque le printemps vient rayonner et rendre la vie aux arbres, les lilas fleurissent comme l’aubépine, le soleil mûrit les fruits, les oiseaux gazouillent, la joie renaît au sein du jardin qui soupire, avec le zéphir qui caresse les têtes embaumées des lilas…

La rédaction d’Armande est plus concise ; elle est surtout beaucoup plus vague et plus émue ; ce qui se voit déjà au titre choisi : Maison déserte, au lieu de maison de Lar… On ne peut pas dire que les détails donnés par Armande soient faux, tant ils sont vagues.

J’arrête ici cette énumération. J’ai fait faire à ces mêmes enfants une dizaine d’autres descriptions, et je trouve toujours les mêmes caractères à leurs rédactions, sauf dans le cas où l’objet que je leur propose de décrire est une gravure compliquée, ou un dessin énigmatique ; dans ce dernier cas, les rédactions des deux jeunes filles sont des descriptions, celle de Marguerite toujours plus minutieuse que celle de sa sœur ; il semble que Marguerite trouve un grand plaisir à décrire, tandis que la description matérielle et attentive ennuie Armande.

Résumons les caractères principaux des épreuves précédentes ; elles nous ont montré, c’est le fait capital, que Marguerite appartient exclusivement au type descriptif et Armande au type imaginatif. La copie de Marguerite débute toujours très simplement : ceci est une plume, écri-