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devons maintenant chercher à en faire l’analyse, et par conséquent nous demanderons à nos sujets de nous donner une description de tout ce que l’image contient.

À ce propos, nous allons étudier les points suivants :

1o Coexistence de l’image et de la réflexion ;

2o Caractère analytique de l’image ;

3o Défaut de précision de l’image ;

4o Images latentes.


Coexistence de l’image et de la réflexion

Marguerite n’éprouve point d’hésitation à faire la description de son image, parce qu’elle peut, à ce qu’elle assure, décrire l’image tout en la gardant devant la conscience ; elle peut à la fois contempler l’image et faire des réflexions. Ainsi, elle se représente son déjeuner ; elle visualise un bol bleu, et elle se rend compte que les fleurs du bol sont d’un bleu plus foncé que le fond. D’autres fois, cependant, la réflexion ne vient qu’après la fuite de l’image ; et peut-être est-ce de cette manière que les phénomènes d’idéation se produisent d’ordinaire ; l’image, puis les réflexions, puis l’image, et ainsi de suite en consécution rapide. Par exemple, je dis à Marguerite le mot : côtelette. Au bout de 3”, elle répond : « J’ai d’abord entrevu la chair un peu rouge, avec des morceaux de gras blancs… ça, c’était tellement vite… Je ne me suis même pas dit qu’il y avait des morceaux de gras blanc. Je ne me suis rien dit en les voyant. » La description verbale, avec sa précision toujours si remarquable, s’est donc produite bien après l’image.

Cette succession est de règle chez Armande, dont les images sont bien plus faibles. Armande m’a donné de curieux détails sur les relations de l’image et de la pensée.