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momètre est caractéristique pour chacun de nous ; chacun de nous donne un chiffre moyen de pression ; mais ce chiffre varie légèrement sous l’influence de plusieurs circonstances ; par exemple l’heure de la journée a de l’importance ; si on explore la force d’un individu à différentes heures de la journée, on trouve qu’elle varie assez régulièrement, et des physiologistes (Patrizi, Lombard) ont pu dessiner la courbe journalière de la force musculaire. L’état momentané de repos et de fatigue, la disposition morale, la présence de tel ou tel témoin — surtout d’un témoin de sexe différent — peuvent soit augmenter, soit diminuer le chiffre moyen de pression. Chez certains malades, chez les hystériques, il a été constaté à maintes reprises par Féré qu’une excitation brusque des sens peut doubler momentanément la force musculaire de pression. Ainsi, une hystérique donnait 30 kilogrammes au dynamomètre ; si on approchait de ses narines un flacon de musc, en la priant de serrer le dynamomètre pendant qu’elle sentait l’odeur, elle donnait une pression de 50 kilogrammes. Sur des sujets analogues, on a pu voir que toutes les excitations des sens, à la condition d’être courtes et intenses, provoquent cette augmentation temporaire de la force musculaire. On a aussi observé que chez des personnes non hystériques on peut provoquer des réactions analogues.

Féré écrit[1] : « Sous l’influence du travail intellectuel, la force dynamométrique augmente, et dans des proportions d’un sixième, d’un cinquième, d’un quart même, suivant que l’attention a été fixée d’une façon plus ou moins soutenue. Dans un bon nombre d’explorations, j’ai noté une tendance à l’égalisation entre les deux mains, c’est-à-dire que la main gauche, qui est plus faible que la droite de 10 kilogrammes environ, gagne souvent plus que la droite sous l’influence de l’excitation psychique provoquée par le travail intellectuel. Cette exagération de l’énergie est du

  1. Sensation et mouvement, p. 7.