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est arrivé mutilé ? Ce serait de la fantaisie et non de la critique.

On ne peut pas s’arrêter davantage aux observations par lesquelles M. Lauer essaie de justifier son hypothèse. Prétendre, en effet, selon ses propres expressions[1], que « les plus anciens manuscrits peuvent offrir une lacune de quelques années (893-919), de même qu’ils présentent une addition relative à l’année 877, » n’est pas donner un argument. À quoi bon, en outre, faire remarquer[2] que Richer, qui a utilisé Flodoard, « est le seul auteur qui fournisse la date exacte du couronnement de Charles le Simple (28 janvier 893) ? » C’est fort heureux, mais nous ne voyons pas l’intérêt que présente ce fait pour la date initiale des Annales. De ce que nous ignorons où Richer a puisé son renseignement, il ne s’en suit pas que ce soit dans un Flodoard perdu.

Nous ne comprenons pas enfin pourquoi on s’est tant étonné que Flodoard ait commencé ses Annales en l’année 919, qui n’a été marquée par « aucun fait politique important[3]. » En quoi cela était-il nécessaire ? Flodoard a écrit des Annales et non pas une Histoire de règne ou d’époque ; il a noté, au jour le jour ou à peu près, les événements qui arrivaient à sa connaissance ; le goût d’un pareil journal ne lui est venu que vers la vingt-cinquième année, et il a commencé par enregistrer une chute de grêle à Reims ; quoi de plus naturel ? Quel besoin avait-il d’attendre une circonstance solennelle quelconque ou de chercher un point de départ ?

Il faut donc conclure, comme Pertz l’a fait très justement, en 1839, et comme d’autres l’ont fait depuis[4], que les Annales de Flodoard commencent à 919 et que, jusqu’à plus ample informé, le texte que nous en possédons doit être considéré comme complet. La numérotation grecque signalée par Pertz et par M. Lauer semble être un simple synchronisme dont le point de départ est ou l’avènement de Charles le Simple ou plus probablement la date de la naissance de Flodoard, mais on ne saurait en tirer aucune conclusion au sujet d’une lacune du texte.


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  1. Lauer, p. 251.
  2. Lauer, p. 249.
  3. Lauer, p. 245-246.
  4. M. G. Monod, en particulier. Cf. Revue critique, 1873, 2e part., p. 263, et Revue historique, t. XVI (1881), p. 397.