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un homme d’honneur

amour-propre de côté pour réparer son erreur involontaire. De suite, à New-York, on lui a offert une place élevée au barreau ; mais il a refusé ; son début l’a complètement dégoûté du métier d’avocat. Il a jeté le code au feu et revient s’établir à Montréal comme journaliste.

— C’est dommage qu’il n’ait pas accepté la situation offerte. Avec un tel homme l’intérêt du pauvre, du faible eut été intègrement défendu, le nombre des malheureux diminué.

— Que voulez-vous. Il faut qu’en ce monde le mal existe, que les honnêtes gens paient pour les coupables. Dickens, par ses écrits, a fait opérer de grandes réformes dans les lois en Angleterre ; espérons que chez nous aussi les écrivains, les journalistes, en s’élevant contre les abus que l’on tolère encore de nos jours, parviendront à les faire disparaître, et que la raison du plus fort ne triomphera pas toujours. En attendant, messieurs, emplissons nos verres, buvons à la santé de notre jeune compatriote, qui nous a fait honneur là-bas.

Des hourrahs retentirent, le vin coula à flots, le nom de Paul Bienville se répéta de bouche en bouche avec éloge, enthousiasme. Un éclair joyeux avait illuminé le regard de l’étranger, assis à l’écart, suivant silencieusement cette scène ; et lorsque les buveurs se furent retirés l’un après l’autre, qu’il ne resta plus dans la salle que le gros homme obèse et le médecin du village, Paul Bienville, car c’était lui, s’approcha de celui qui venait de faire son éloge et lui dit :

— Monsieur, vous venez de parler de la famille Daulac, pourriez-vous m’enseigner où cette famille demeure ? On m’a désigné ce village, mais