Page:Bibaud - Le secret de la marquise, Un homme d'honneur, 1906.djvu/58

Cette page a été validée par deux contributeurs.
62
un homme d’honneur

rudits se sont débattus, cherchant à approfondir le grand mystère de l’existence.

Paul Bienville ne croyait pas tout en se disant : Heureux celui qui croit.

Au moment de choisir une carrière ses goûts l’entraînaient vers les lettres ; mais son père, magistrat renommé, désirait qu’il embrassât la profession qu’il avait exercée. Sans beaucoup d’aptitudes pour les débats de Thémis, le jeune homme acquiesça aux désirs paternels et passa de brillants examens.

Le jour où il recevait ses diplômes, une quinzaine d’amis lui offraient un banquet, au milieu de cette fête un des convives lui dit :

— Bienville, voulez-vous plaider pour moi ? Si vous prenez ma cause, je suis sûr du succès. On m’accuse injustement d’avoir mal administré un petit héritage, appartenant à madame Daulac, que j’avais confié au financier Dubois. Cet individu, n’ayant pu faire face à ses engagements, a pris le large. Aujourd’hui l’on me poursuit pour le remboursement de la somme que la fatalité seule m’a fait perdre. Vous savez, on fait pour le mieux en ce bas monde et toujours il se trouve des mécontents.

Celui qui parlait ainsi était un petit homme maigre, sec, à la figure hirsute, sur la physionomie duquel régnait une expression d’amertume, traduite par son regard et son sourire acidulés. Ce notaire, parti du bas peuple, s’était juré de devenir riche, son ambition s’était réalisée. À peine âgé de trente-cinq ans, il se trouvait à la tête d’une jolie fortune. À quoi attribuer ce succès ? à la chance, à la ruse ? on l’ignorait. Ce tabellion, d’une sobriété de paroles excessive,