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. Première lettre de l’alphabet français, est aussi la première des voyelles. On dit la lettre a, le caractère a, le signe a, le son a, la voyelle a, la vocale a, ou tout simplement l’a. Le son de l’a, la nature de l’a, la valeur de l’a, l’intonation de l’a. Une panse d’a, les jambes, les pieds de l’A. Un grand a, un petit a, un a majuscule, minuscule, romain, italique, gothique. Un a long, grave, ouvert, circonflexe, bref, doux, aigu, moyen ou demi-grave, nasal, aspiré, sourd, muet, affaibli, adouci, initial, médial, final, privatif, augmentatif ; marqué, surmonté d’un accent ; bien ou mal prononcé, accentué, écrit, tracé, formé, gravé, dessiné, peint, etc. Appuyer sur l’a, placer un accent sur l’a, accentuer la voyelle a, etc., etc. La lettre a, chez presque toutes les nations, devint une lettre sacrée parce qu’elle était la première. (Voltaire.) M. de Chateaubriand a fort poétiquement remarqué que la vocale a s’était particulièrement adaptée à la famille des idées rurales. (Ch.Nodier.) A proportion de la délicatesse et de l’organe, on trouvera plus ou moins de modifications entre l’a aigu et l’a grave. (J. J. Rouss.) Les Hébreux appellent l’a alpha ou le bœuf, et en même temps le savant, l’inventeur. (Court de Géb.) Nos imprimeurs ont conservé l’usage de mettre un accent circonflexe sur l’a de l’ablatif de la première déclinaison latine. (Dumarsais.) L’a est la plus sonore des voyelles. (Plis.) Les deux jambes inclinées de l’A ressemblent aux racines végétales de l’alphabet chinois. (Bern. de St Pierre.) J’ai observé que dans les pays froids, comme en Russie, la plupart des terminaisons des noms sont en a. (ld.) L’a nasal s’écrit différemment dans autre et embrasser. (Duclos.) Plusieurs grammairiens admettent un a nasal, encore le bornent-ils à la syllabe initiale et négative qui répond à l’a privatif des Grecs. (Id.)

— Quoique A soit un substantif du genre masculin, comme toutes les autres voyelles, il ne prend pas d’s au pluriel. On dit deux a, trois a, plusieurs a, les a, des a longs, des a brefs, de grands a, de petits a, des a malfor-


més, etc., etc. Homère il est vrai, ne s’assujettit pas à cette règle de l’harmonie, qui rejette le concours des voyelles, et surtout des a. (Volt.) J’ai entendu reprocher avec justice six a consécutifs dans un vers des Scythes ; mais on a repris bien injustement cet excellent vers de Boileau où il y a cinq a rapprochés : Traçât à pas tardifs un pénible sillon. (De Belloy.) Quand on dit deux a, trois a, le mot a est employé matériellement. C’est comme si l’on disait : le caractère a répété deux fois, trois fois. Deux a, c’est deux fois le même signe. Il y a des a longs, des a brefs, de grands a, de petits a ; c’est-à-dire qu’on donne au signe a des formes plus ou moins grandes, et au son qu’il représente une prononciation longue ou brève. Mais, dans toutes ces façons de parler, il n’est point question de plusieurs sons de la voix humaine ; c’est toujours le même signe exprimant un son individuel, et voilà pourquoi il ne prend pas la marque du pluriel.

— Considéré comme signe graphique, l’A n’est-il pas l’angle formé par l’écartement des lèvres vues de profil A, et à l’ouverture de la bouche vue de face ?

— Envisagé sous le rapport de son intonation, l’A prend deux inflexions différentes l’une, qui le rend bref ou aigu ; l’autre, qui le rend long ou grave.

— L’a bref ou aigu se rapproche beaucoup de l’è ouvert comme on peut le voir dans les mots acacia, abattre, amateur, amiable, escadre, etc. Les syllabes dont il fait partie affluent dans notre langue, en raison de la douceur qu’il communique au langage. Aussi le trouve-t-on répété jusqu’à trois ou quatre fois dans le même mot, sans que cette répétition blesse en rien l’oreille, comme on la voit dans apparat, falbala, Canada, anagramme, quadrature, alactaga, etc.

— L’a grave ou long tient un peu de l’o doux, ainsi qu’on peut s’en convaincre en prononçant les mots cadre, théâtre, mât, diable, fable, sabre, etc. L’a grave redoublé ne s’emploie que dans un très-petit nombre de mots, parce que, trop multiplié, il donnerait de la rudesse et même de la trivialité au lan-


gage tandis que, ménagé avec art, il rompt l’uniformité de l’a doux, et contribue par conséquent à la variété des sons.

— L’a marqué de l’accent grave est toujours doux : Voilà, à Paris, çà et là, holà.

— L’a surmonté de l’accent circonflexe, dit M. Napoléon Landais, se prononce toujours la bouche très ouverte, ce qui veut dire qu’il est toujours grave. M. Landais se trompe, car il existe une foule de circonstances où, même avec ce signe, il devient aigu. Cela a principalement lieu dans les 1res et 2e personnes des passés définis, et dans la 3e personne de l’imparfait du subjonctif des verbes en er : nous allâmes, vous allâtes, qu’il allât. La plupart des grammairiens veulent absolument entendre un â grave, dans ces sortes de mots. Cette prononciation, qui pouvait être bonne il y a cinquante ans, est aujourd’hui tout à fait fausse et ridicule c’est l’accent picard transporté à Paris. Il est facile de sentir la différence et la douceur de cet a, en le comparant avec l’a véritablement grave, comme dans nous gâtâmes, vous gâtâtes, qu’il gâtât, où l’on sent que le premier a est bien autrement grave que le second. D’ailleurs, dire que l’accent circonflexe placé sur l’a suffit pour le rendre grave, c’est oublier que cet accent est bien moins un signe d’intonation qu’un signe étymologique. V. accent.

— Quelques grammairiens, dit l’auteur de la Nouvelle Prosodie, confondant sans doute l’orthographe avec le son ou sa durée, s’imaginent découvrir une différence sensible entre pacha, falbala, sofa, acacia, etc., et leurs pluriels pachas, falbalas, sofas, acacias. Suivant eux, l’a est bref dans les premiers, et long dans les derniers. Ici, bien certainement la vue trompe l’oreille, et le préjugé la raison ; car il est impossible de trouver la moindre différence d’intonation entre pacha et pachas, sofa et sofas, acacia et acacias. Que l’oreille, dégagée de l’influence de la vue, soit abandonnée à elle-même, elle sentira, bientôt tout ce que cette prétendue distinction a de vain et de chimérique.

— L’a conserve le son qui lui est propre partout où cette voyelle ne se trouve pas combi-


née, soit avec les voyelles o, u, soit avec les consonnes nasales m, n.

aa. Les deux a d’Isaac et d’Aaron prennent chacun une intonation moyenne. Cependant Racine n’a fait Aaron que de deux syllabes. Partout ailleurs les deux a sont doux et forment chacun une syllabe entière, comme dans Baal.

æ. Ce caractère, dont on faisait autrefois un fréquent usage, se prononce comme é fermé. Nous l’avons conservé dans quelques mots seulement, tels que Cobæa, etc.

ae. L’a immédiatement suivi de l’e conserve toujours son intonation douce, et forme à lui seul une syllabe entière, comme dans aérien, aéronaute, aérolithe, Israël, Raphaël. Il n’y a d’excepté que le mot Caen, qui se prononce kan.

ai, ay. L’a suivi de l’i ou de l’y forme un son dérivé tout à fait semblable celui de l’e, comme dans lait, dais, trait, maison, j’aimai, je payai, j’essayai, j’aidai, faisan, bienfaisance. Cependant l’a est nul dans douairière, et l’a dans daine ne se fait pas sentir. Le tréma placé sur l’a détache l’a de cette lettre, comme dans Caïn, maïs, aïeul, baïonnette. etc. — Les sons aie, aye, qui sont toujours très-ouverts, font entendre à leur suite le son mouillé de l’y ce qui forme une espèce de diphthongue sourde sur laquelle ai s’appuie comme dans balayeur payeur, métayer layette, je bégaie, j’effraie, je paie, que j’aie, etc., qu’on prononce bàlai-ieur, que j’ai-ie, etc. On trouvera dans le dictionnaire tous les mots qui s’écartent de cette règle ou qui s’y conforment.

ao. L’a suivi de l’o conserve ordinairement son intonation douce, et forme à lui seul une syllabe entière : cacao, chaos, Pharaon, etc. Mais l’o est nul dans faon, paon, Laon, Craon, et leurs dérivés. Dans taon, St Laon, août, aoûteron, Saône, c’est l’a qu’on élide. Néanmoins l’a se fait sentir dans aoûier et son participe aoûié ; quant au mot aoriste, l’usage est partagé.

au. L’a suivi de l’u forme un son dérive tout à fait semblable à celui de l’o et prend deux inflexion, l’une forte, comme dans peau,