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Le peuple est l’ensemble des habitants d’un même pays : ainsi, il y a le peuple français, le peuple anglais, le peuple espagnol, etc. ; le mot peuple éveille donc l’idée d’un grand nombre d’hommes ; ce substantif est néanmoins au singulier, parce qu’il n’est point le nom des habitants, mais celui d’une réunion. Il ne s’agit ici que d’un seul peuple.

Une multitude d’âmes, c’est un grand nombre d’âmes : le mot multitude exprime donc une réunion, un assemblage d’objets, et il est au singulier, parce qu’il n’est pas le nom des âmes, mais celui d’une réunion quelconque d’objets ; il n’y a pas ici deux multitudes, il n’y en a qu’une.

Ces mots armée, peuple, flotte, multitude, etc., qui tous expriment, au singulier, une réunion, un assemblage de personnes ou d’objets de la même espèce, sont des substantifs communs, appelés en grammaire, substantifs collectifs, du mot collection, qui signifie réunion, assemblage ; comme collection de gravures, collection, de coquillages, etc.

Ainsi les substantifs collectifs sont des substantifs communs, qui, quoique au singulier, expriment une réunion, un assemblage de personnes ou d’objets de la même espèce.

Les collectifs sont généraux ou partitifs : généraux, quand ils représentent une collection-entière ; et partitifs, lorsqu’ils représentent une collection partielle. La foule des humains est vouée au malheur. La foule des humains embrasse la généralité des hommes ; la foule est un collectif général. Une foule de pauvres reçoivent des secours. Une foule de pauvres n’embrasse qu’une partie des pauvres ; une foule est un collectif partitif. L’armée des Français, la multitude des étoiles, collectifs généraux. Une troupe de soldats, une multitude d’étoiles, collectifs partitifs.

On voit que le même mot peut être collectif général et collectif partitif, selon le sens qu’on y attache. En général un collectif, quand il est précédé de un, une, est partitif.

EXERCICE ANALYTIQUE.
(Désigner les substantifs collectifs.)

Une troupe de nymphes couronnées de fleurs nageaient en foule derrière le char.

(Fénelon.)

Les uns courent se jeter dans la rivière de Narwa, et une foule de soldats y furent noyés.

(Voltaire.)

Il se trouve enveloppé par un corps de Spartiates qui font tomber sur lui une grêle de traits.

(Barthélémy.)

Un peuple de beautés, un peuple de vainqueurs,
Foulant d’un pied léger les gazons et les fleurs.
Entrelacent leurs pas dans de riants dédales.

(Thomas.)

IX.
SUBSTANTIFS COMPOSÉS.

L’odorat est l’avant-coureur du goût.

(Bernardin de St-Pierre.)

Puis-je oublier l’œillet de la vallée,
Le bouton-d’or, la pâle giroflée,
Le chèvre-feuille à l’odeur parfumée ?

(Beugnot.)

Nos petits-maîtres sont l’espèce la plus ridicule qui rampe avec orgueil sur la surface de la terre.

(Voltaire.)

La fleur de la reine-marguerite est très belle, et fait, en automne, le principal ornement des jardins.

(Académie.)

Le pot-au-feu du peuple est la base des empires.

(Mirabeau.)

Depuis le déluge, l’arc-en-ciel a été un signe de la clémence de Dieu.

(Bossuet.)

Les belles-de-nuit du Pérou, l’arbre triste des Moluques, ne fleurissent que la nuit.

(Bernardin de St-Pierre.)

Vainement l’homme élève des palais et des arcs-de-triomphe, le temps les use en silence.

(Aimé-Martin.)