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avaient presque tdujours des cabanes contigues, distinctes et séparées de celles des marchands des autres pays. Dans la rue principale, par exemple, les Provençaux vendaient leurs drogues et leurs épices, les parfumeurs de Montpellier et de Grasse leurs savonnettes, leurs pommades, leurs bergamotes et des liqueurs fines. Le long du Rhône étaient les apothicaires, les vendeurs d’orviétan et les chaudronniers. Quelques cabanes éparses çà et là, servaient de théâtres aux baladins, aux cabrioleurs, aux saltimbanques, aux marionnettes ; de ménageries aux conducteurs d’ours et de bêtes féroces, et de corps de garde aux soldats de la douane. A l’extrémité de la grande rue, on avait décoré de festons et de feuillages une chapelle où l’on disait la messe le dimanche à huit heures du matin : chacun alors s’agenouillait devant sa boutique, et le prêtre, au Dominus vobiscum, embrassait d’un regard toute l’étendue du pré, la foule à genoux, et le fleuve couvert d’embarcations.

Mais outre cette seconde ville, on en voyait encore s’improviser une troisième. C’est sur le Rhône que se formait cette troisième cité, c’est sur un fleuve des plus rapides que des maisons flottantes se rangeaient toutes bâties, et contenant des magasins immenses. Ne croyez pas au surplus qu’elle fût sans police et que tout s’y fit en confusion : chaque barque, en arrivant, voguait droit au quartier qu’elle savait lui avoir été assigné, sans se tromper jamais de route. Les barques