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vaste étable, fermée de toutes parts, abritait hommes et troupeaux. Cette e’table, à voir les hautes voûtes enfumées, les arcades massives autour desquelles glissait la clarté des lampes, les fenêtres en ogive, dont les vitraux tombaient, brisés par les vents, ne semblait point avoir été destinée à un usage aussi profane. On eût dit plutôt une de ces vieilles abbayes des solitudes, des bois et des montagnes, que les Normands avaient ruinées en grand nombre, il y avait longtemps.

Sur un ardent foyer était accrochée une large chaudière qui se couronnait d’écume et de vapeurs. Des petits enfants, réjouis parles flammes pétillantes, caressaient les chiens de bergers. La fumée s’écoulait par les ouvertures du toit crevassé. Non loin du foyer, des crèches régnaient circulairement dans les chapelles latérales de la nef. A ces crèches étaient ~ attachés pêle-mêle des bœufs, des ânes et des chevaux. A la lueur du brasier, on voyait la tête d’un taureau ruminant, éclairé à demi par la lumière, se dessiner dans l’ombre, des bouviers qui remuaient la litière avec des fourches, ou des pâtres qui passaient, apportant un lien de feuillée, leurs cornets à bouquin pendus à la ceinture.

Toutes les femmes s’étaient réunies à l’extrémité de l’étable, teillant le chanvre et filant de blanches quenouilles ; une d’entre elles, qui allaitait un enfant, pleurait, gracieuse au milieu de sa douleur. L’image