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murmurante et sombre où fleurissent et dorment ensemble les nénuphars jaunes sur les eaux.

Les cloches du hameau tintaient jusque dans la montagne. C’était l’heure de la salutation angélique : les lavandières et les jeunes filles s’agenouillèrent et chantèrent A llcluia au bord des eaux.

Les rayons s’éteignirent soudain sur les prairies et dans l’Armançon ; l’oiseau bleu se tint caché jusqu’après le coucher du soleil ; et les lavandières et les jeunes filles, quand se leva la brise nocturne, entendirent avec effroi sous les saules comme la voix plaintive d’un enfant qui se noyait.

14 avril 1828.

Quant à la troisième, c’est le croquis manifeste de la pièce intitulée : L’air magique de Jehan de Vitteaux, qui se trouve à la fin du volume parmi les Pièces détachées :

LA GOURDE ET LE FLAGEOLET A l’auteur de la Ballade des deux A rchers

Deux voyageurs se rencontrèrent le soir dans un étroit sentier. L’un, coiffé d’une toque de velours noir que surmontait une plume de coq, portait appendus à sa ceinture, d’un côté, une gourde ronde, de l’autre, un léger flageolet : on devinait aisément que c’était un clerc du gai savoir. L’autre, la grille de son casque fermée, serrait dans sa forte main droite la garde d’une longue épée dont le fourreau lui battait les talons : c’était Roland, ou don Quixote, ou tout autre chevalier célèbre par ses hauts faits d’armes.

Du plus loin qu’il aperçut le musicien : — « Prête-moi ta gourde, vassal, lui cria-t-il ; mon gosier est altéré :