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secousse littéraire, et qui arrivaient au monde avec une grande hâte d’en connaître les auteurs et d*en adopter les conséquences. Bertrand fut une des grandes curiosités de notre jeunesse. Il a été, vers 1845, un des saints du calendrier poétique, et de ceux dont la niche n’était pas la moins fêtée. Charles Baudelaire s’est souvenu de lui, en tête de ses Poèmes en prose. Mais cet hommage rendu à un talent admiré pour ses qualités de précision et de relief, n’engageait en rien la vocation de l’admirateur. L’auteur des Fleurs du Mal, plus humain et plus véhément, devait bien vite forcer la mesure des strophes ténues de Gaspard de la Nuit.

M. Sainte-Beuve a justement honoré Louis Bertrand, en marquant sa place au rang des plus vaillants champions de la réforme poétique dans les provinces. Il le représente comme « un de ces Jacques Tahureau, de ces Jacques de la Taille, comme en eut aussi la moderne école, mis hors de combat, en quelque sorte, dès le premier feu de la mêlée. » Dans cette notice, écrite en 1842, et où se retrouvent encore en écho lointain les images et le style en usage au fort de la bataille, Louis Bertrand est qualifié tantôt d’imagier, d’orfèvre, d’émailleur. «Son rôle eût été... de reproduire avec un art achevé, et même superstitieux, de jolis et grotesques sujets du moyen-âge finissant ; de nous rendre quelques-uns de ces joyaux, j’imagine, tels que les Suisses en trouvèrent à Morat