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Jamais pour nous ni dimanche ni fête gardée ; — Ployé sous le regret, le malheureux marche, — À la suite d’un plus malheureux, pendant l’année sans fin, — Comme des bêtes de somme attelées. — Il voit sa femme dévorée par le chagrin — Et ses pauvres enfants, verdis, trembler, — Sans nourriture, sans vêtements, en hiver, au froid, — Alors que pendent au bord des toits les dents de janvier.

Notre nourriture quotidienne se compose des restes, tellement avancés, — Que les pourceaux eux-mêmes n’en voudraient point. — Et l’eau que nous buvons, si chargée de mauvais germes, — Apporte au cours de l’année entière les fièvres mortelles au logis.

Que de regrets nous avons de notre pays de Basse-Bretagne ! — Comme nous voudrions y retourner pour y mourir ! — Mais nous sommes retenus à la ville par un sot respect humain, — Ainsi que tous ceux qui sont venus en France.

En Bretagne, autrefois, nous étions en paix et en joie : — Le froment poussait dans nos champs, la vache donnait son lait. — À chaque fête, assemblés autour des vastes tables, — Ayant demandé à Dieu ses grâces, — Devant des mets bien sains et du cidre doré, — Du cœur de tous jaillissait la gaieté.

En hiver au crépuscule, en teillant le chanvre, — Chacun racontait avec tout son talent ; — Et chaque