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Il a prescrit des loix à la nature mesme,
Qu’en tremblant elle observe et craint d’outrepasser :
Le ciel ne voit grandeur, sceptre, ny diadéme,
Immortel, ny mortel, qui s’en peust dispenser.
Chantez-le donc aussi vous enfans de la terre
Qui composez de cendre en cendre retournez,
Soit vous que l’ocean dans ses vagues enserre,
Soit vous qui librement par l’air vous promenez.
Beny son sainct pouvoir en tes caves profondes,
Monstre de qui le sein peut cent flots abysmer :
Et faittes retentir son nom parmy vos ondes
Gouffres qui vomissez mille mers en la mer.
Foudroyans traits de feu que son ire décoche,
Quand faisant icy bas mille flammes plouvoir
Elle tranche en fureur la teste à quelque roche,
D’une tonnante voix haut loüez son pouvoir.
Fay-le bruire aux torrens des valons que tu laves,
Neige qui vests les monts d’un blanc et froid manteau :
Et toy gresle polie, et toy glace qui paves
Au pesant chariot les sentiers du bateau.
Orageux tourbillons qui portez les naufrages
Aux vagabonds vaisseaux des tremblants matelots,
Témoignez son pouvoir à ses moindres ouvrages,
Semant par l’univers la grandeur de son los.
Faittes-la dire aux bois dont vos fronts se couronnent,
Grands monts, qui comme rois les plaines maistrisez :
Et vous humbles coustaux ou les pampres foisonnent,
Et vous ombreux vallons, de sources arrousez
Feconds arbres fruitiers, l’ornement des collines,
Cedres qu’on peut nommer geans entre les bois,
Sapins dont le sommet fuit loin de ses racines,
Chantez-le sur les vents qui vous servent de voix.
Animaux qui paissez la plaine verdoyante,
Et vous que l’air supporte, et vous qui serpentans