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Un cœur qui magnanime à soy-mesme commande
Souvent fait que son mal en bien se convertit :
Une douleur n’estant ny petite ny grande,
Qu’autant que le courage est ou grand ou petit.

Ce deluge de maux que le courroux celeste
A faict dessus mon chef plouvoir si longuement
À la fin a pris cesse, et tout ce qui m’en reste
C’est ce ruisseau larmeux tesmoin de mon tourment.

Maintenant Dieu me fait au dessus de la teste,
Ainsi qu’un arc-en-ciel, sa pitié flamboyer :
Signe qui me promet qu’orage ny tempeste
Qui m’aille menaçant n’est plus pour me noyer.

Pourquoy tremble-je donc sous ce nouvel orage
Esmeu contre l’espoir en qui seul j’ay vescu ?
Quoy ! Luy veux-je desja submettre mon courage,
Souffrant qu’il en triomphe avant qu’il l’ait vaincu ?

Non mon cœur, arme toy d’une plus saincte audace :
Encor qu’un grand t’assaille, un plus grand est pour toy :
Dieu te promet secours, et le sort te menace :
Qui des deux sera veu pouvoir plus sur ta foy ?

Ô mon cœur, quand l’un d’eux auroit plus de puissance
À t’emplir de frayeur que l’autre à t’asseurer,
Quand mesmes d’aucun bien tu n’aurois esperance,
Le naturel du mal te doit faire esperer.

La douleur a ce bien, que quand elle est durable
Elle est aussi legere, et se porte aysément :
Et quand son aspreté la rend intolerable,
Sa duree est petite et passe en un moment.

Que si c’est par la croix constamment supportee,
Imitant nostre chef et marchant apres luy,
Qu’on parvient à la gloire aux esleuz aprestee,
Il est bien mal-heureux qui jamais n’eut d’ennuy.

Vueilles tant seulement, toy vers qui je souspire,
Croistre ma patience au tourment qui me poind,