Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/80

Cette page n’a pas encore été corrigée

Flambera-t’il sans cesse au milieu de ton cœur ?
Veux-tu rendre ma mort aux vivants effroyable ?
Et la mesme pitié m’estant impitoyable
Moy seul t’esprouveray-je un Dieu plein de rigueur ?

Las ! Regarde en pitié ceste ame infortunee,
De reconfort, de paix, d’espoir abandonnee,
Où les traicts de la mort sans pitié sont fichez :
Regarde quel ennuy boit le sang de mes veines :
Et l’oeil de ta bonté voye aussi bien mes peines,
Que celuy de ton ire a peu voir mes pechez.

Si la juste rigueur qui les peines dispense,
N’eust jamais faict de grace à nulle humaine offense,
Quels esprits dans le Ciel se verroient couronnez ?
Ceux qu’à jamais l’enfer loin de ta gloire estrange,
Diroient-ils ton honneur quand mesme ta loüange
Est ainsi qu’un blaspheme és leures des damnez ?

Las ! Entre tant de maux qui font que je souspire,
Je sçay bien qu’à bon droit la rigueur de ton ire
Dessus mon chef coulpable espand tous ses vaisseaux :
Et que ma vie estant de tes biens arrousee,
Puis qu’ingrate elle en a la source mesprisee,
Ton courroux a raison d’en tarir les ruisseaux.

Mais aussi sçais-tu bien qu’en sa sphere plus basse
Le Ciel n’a rien enclos, qui sans l’heur de ta grace
D’un pas irreprochable en ta voye ait marché :
Que ta seule pitié nous tient lieu d’innocence :
Et que ceux-là sans plus sont nets en ta presence,
Dont tu daignes toy-mesme effacer le peché.

Ne vien donc point du Ciel en fureur me reprendre :
Pardonne à ceste pauvre et miserable cendre :
N’arme plus ta rigueur contre sa mauvaistié.
Si ma cause n’est juste, ô Seigneur rends la telle :