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Certes il falloit bien estre la mesme rage,
Pour massacrer un roy si doux et si clement.
Que maudit soit le jour où ceste infame d’ire
Rendit presque la France une pauvre navire
De qui desja la mer engloutit le tillac :
Que la fureur du ciel en extirpe la race :
Et que par une horreur de sa brutale audace,
L’effroy mesme d’enfer ait pour nom Ravaillac.
Qu’au temps ou ce cruel massacra nostre Achille,
Tousjours à l’advenir nostre plainte distile
Des pleurs ensanglantez par les veines de l’oeil :
Et qu’à faute de mieux, nostre ame desolee
Serve de Polixene à sa tombe immolee,
Par le pyrrhe vengeur d’un perdurable dueil.
Ce sera peu de bien, entre tant d’amertume,
Au courroux sans espoir dont le feu nous consume,
Que de punir en nous l’impieté d’autruy :
Mais encor nostre esprit quelque paix y remarque,
Et se voyant pleurer pour un si grand monarque,
L’ennuy mesme a pour bien la gloire de l’ennuy.
Royne de qui l’honneur passant toute eloquence,
Aussi bien que le sien nous oblige au silence,
Comme objects que nul art ne peut representer,
Car non plus qu’en parlant nous ne sçaurions atteindre
À ce triste bon-heur de dignement le plaindre,
Nous ne sçaurions non plus dignement vous chanter.
Vous seule grande Isis, nostre commune attente,
Vous seule consolez le dueil qui nous tourmente.
Faisant revivre en vous ce royal Osiris :
Et vous seule en l’orage estant nostre refuge,
Nous nous croyons au moins preservez du deluge,
Jettant l’oeil de l’esprit dessus vous nostre Iris.
Vivez tant seulement, ou soit pour la vengeance,
Ou soit pour étouffer la maudite esperance
Du fruict que de sa mort l’étranger s’est promis :
Vivez, vainquez, regnez de tous biens assouvie,