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Il est vray qu’en un point cet exemple differe :
Il fist par vanité ce qu’icy me fait faire
Le saint et juste excez d’un dueil non attendu :
Son art l’abandonnoit, nul art ne me seconde :
Et ce que peut en luy la peur de perdre au monde,
Le mesme peut en moy l’ennuy d’avoir perdu.
Perdu l’as ? Et quel bien ? Un prince, un pere, un maistre,
Que perdre c’est se perdre, et quasi ne plus estre,
Ou bien estre un sujet de mal’heur et d’ennuy,
Comme il fut nostre gloire, et comme presqu’il semble
Que ce qu’avec tant d’heur tout ses peuples ensemble
Acquirent par luy seul, ils le perdent en luy.
Aussi ne cessons nous d’en lamenter la perte,
Encor que nostre bouche aux complaintes ouverte
Serve à nostre douleur d’un mauvais truchement.
Quoy que nous parlions mal nous ne sçaurions nous taire :
Et nostre zele ardant ne peut cesser de faire
Ce que nous nous plaignons de faire indignement.
Ô France, ingrate France, et cruelle à toy-mesme,
D’avoir osé tremper ton propre diadême
Jà deux fois dans le sang des vallois et bourbons :
Merites-tu pas bien que des loups te commandent,
Et que de méchants roys sans pitié te gourmandent,
Puis que si méchamment tu gourmandes les bons ?
Mais veuille ton bon-heur, imprudente province,
Que ceste horrible mort, ceste mort de ton prince
Qui mist ta gloire et luy dans un mesme linceul,
Soit à d’autres qu’à toy justement imputee :
Ou que comme (à la voir de chacun lamentee)
Le mal en est de tous, le crime en soit d’un seul.
D’un seul qui n’ait esté nul autre que megere :
Car puis qu’en l’univers tout meurt par son contraire,
Que le vice destruit la vertu seulement,
Et que du seul meschant le bon reçoit outrage,