Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/540

Cette page n’a pas encore été corrigée

Il ne faut pas qu’en jeux, et sans fruict dépendu,
Il soit comme de l’eau sur la terre épandu,
Cela dit, craignant plus l’abus que le dommage,
Qu’il le vouë au seigneur comme à son droit usage.
Et c’est le luy vouër, et le rendre sacré
D’une espece de vœu que ses yeux ont à gré,
Que de le consumer és royales dépenses,
Ou que tout un royaume a pour seules deffences :
Ou de qui la splendeur faict eternelle foy
De la bonté, sagesse, et pieté d’un roy.
C’est pourquoy, que sa main ne soit jamais fermee
À celles dont le lustre orne la renommee :
À bastir des palais où luise sa grandeur,
Mais où l’utile usage égalle la splendeur :
Donner un dos de pierre aux grands chemins publiques :
En aqueducts et ponts égaller les antiques :
Fonder des hospitaux, ou renter les fondez :
Braver l’humide orgueil des fleuves débordez,
Avec le fort rempart des publiques chaussees :
Deffendre ainsi ses ports des vagues courroucees :
Bastir de grands ouvroirs aux mestiers des neuf sœurs :
Avancer leurs beaux arts : doter leurs professeurs,
Et prendre en des biens-faits, comme en des rets vivantes,
Et les vaillants esprits, et les ames sçavantes.
Mille et mille beaux vers diversement chantez
Ont publié la foy, la valeur, les bontez,
La clemence, et l’esprit de nostre grand monarque,
Selon qu’un docte vent en a poussé la barque :
Mais nulle voix n’a faict, en vers graves ny doux,
Le los de sa largesse encor bruire entre nous ;
Quoy qu’un million d’or, somme plus que royalle,
S’épande tous les ans de sa main liberale,
Sur ceux que sa bonté luy faict favoriser,
Ou leurs propres vertus diversement priser.
Qui de ses devanciers franchit onc ces limites,
Soit voulant obliger, soit donnant aux merites ?