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D’un superbe dédain qu’alors rien ne modere,
Puis tombe, et s’applatit quand il l’a pour contraire.
Qu’il en aille autrement de son cœur genereux :
Et soit quand le destin luy sera rigoureux,
Soit quand il le verra d’un regard favorable,
Qu’il se monstre tousjours à soy-mesme semblable,
Tousjours plein de bonté, tousjours gravement doux,
Et tousjours se plaisant d’estre accessible à tous.
Qu’ainsi nulle barriere (invention barbare)
Fors celle du respect, des siens ne le separe.
Le prince tant soit-il un grand et puissant roy,
Qui met une barriere entre les siens et soy,
En met une à la fin, sans qu’il s’en guarantisse,
Entre leurs volontez, et son propre service.
Qu’il laisse au vain orgueil de ces fiers pretejans,
Ou de ces roys d’Asie, aux aises se plongeants,
Le soing de n’exposer leur face basanee
Aux yeux de leurs sujets, qu’une où deux fois l’annee
Luy, que comme un soleil il sorte tous les jours,
Pour se monstrer au monde, et pour donner secours,
Soit à la pauvre vefve oppressee et dolente,
Soit au pauvre orphelin qui vainement lamente,
Soit aux justes souspirs du chetif laboureur :
Et que, suivant les pas d’un illustre empereur,
Il croye avoir perdu le cours de la journee
Qu’à de si nobles soins il n’aura point donnee ;
Et vescu ce jour-là comme inutile à soy,
Ou comme un homme simple, et non pas comme un roy.
Qu’il ne consume point en frivoles dépenses
L’or que d’un juste amour les douces violences
Auront pour son secours, en un pressant besoing,
Contraint son pauvre peuple à se l’oster du poing,
Ou plustost de la bouche, ou plustost des entrailles,
Quoy qu’épuisé desja par la pompe des tailles.