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Espandu mille maux sur la terre et sur l’onde ;
Et sans fruit ébranlé les fondemens du monde ;
Ne tirant autre bien de vaincre et d’assieger,
Fors l’honneur d’avoir sceu vaillamment saccager.
Reprochable loüange à des genereux princes,
À des pasteurs de peuple, et sauveurs de provinces :
Cependant beaucoup d’eux ne cueillent autre fruit
De leurs sanglans labeurs que ce malheureux bruit :
Au lieu que leur pouvoir deust seulement reluire,
Pour ayder et sauver non pour perdre et destruire.
Un seul roy de ce temps (c’est assez le nommer)
Qu’une juste querelle a contraint de s’armer
Pour entrer par la force en son propre heritage,
A consacré son bras, ses armes, son courage
Au bien de son empire, et forçant le mal-heur,
Fait avoüer la paix fille de sa valeur.
Les autres vaillants roys, affamez de conquestes,
N’ont de ce vent d’honneur émeu que des tempestes
Qui dans leurs propres flots les ont presqu’abismez,
Et leurs tristes sujets avec eux consumez :
Causants mille malheurs, ou pleurant on remarque
Quel mal c’est quelquefois qu’un si vaillant monarque.
Et quand aux roys prudents, mais prudents seulement,
Souvent trop de discours naissants du jugement
Les font vivre craintifs, les gardent d’entreprendre,
Leur font perdre le temps par trop long-temps attendre,
Et n’aventurant rien, mais tousjours discourant,
Pecher autant qu’on peche en trop avanturant.
Ou rendent leurs esprits, és affaires mortelles,
Plus accorts et rusez, que justes et fidelles ;
Si bien que comme on voit qu’és sujets hazardeux
Ils se gardent de tout, il se faut garder d’eux.
Je tais que bien souvent les loix sur qui se fonde
L’aveugle vanité des prudences du monde,
Ont leur base contraire aux saincts enseignements
Que les loix du seigneur plantent pour fondements :
Estant bien mal-aisé qu’une mesme pensee
Vers deux buts si divers soit ensemble dressee