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Et qu’en tous ses assaux il acquist tant de gloire,
Qu’il sembloit presque avoir espousé la victoire.
Quel monarque icy bas ne voudroit heriter
De l’heur que ses vertus luy faisoient meriter ?
Qui ne seroit content d’acheter ses loüanges
Au prix de ses travaux, tant semblent ils estranges ?
Cependant la vertu qui causa sa grandeur,
Et versa sur ses faits tant de gloire et tant d’heur,
Ce ne fut ny l’effort dont sa main fut armee,
Ny sa prudence mesme, encor que renommee ;
Mais sa pieté saincte, et son zele immortel
À servir le seigneur, et cherir son autel.
Zele qui le bruslant de cent flames celestes,
Luy faisoit consacrer la gloire de ses gestes,
Et du manteau royal dont il portoit le faix,
Au pieds du seul autheur de ses illustres faits,
Comme ne s’estimant posseder sa couronne,
Qu’autant que la sauvoit la dextre qui les donne,
Et non autant que l’art des conseils qu’il suyvoit,
Où sa vaillante main de soy la conservoit.
Soyent ses imitateurs les roys les plus augustes
En un zele si rare, en des pensers si justes :
Et sachent que ny soing de sagement regner,
Ny bon-heur qui sans fin les semble accompagner ;
Ny valeur, ny sçavoir, ny gloire de conquestes,
Ne fait pleuvoir du ciel tant de biens sur leurs testes,
Ny ne rend la grandeur des sceptres de leurs mains
Si digne de regir cent millions d’humains,
Que moy qui fais qu’apres la couronne du monde
Ils en vont dans le ciel trouver une seconde ;
Que mesme le seigneur pour eux daigne veiller ;
Se rend leur partisan devient leur conseiller ;
Va pour eux à la guerre, et chef de leurs armees,
Leur acquiert tous les jours des palmes renommees :
Bref, que nulle vertu n’est parfaite sans moy :
Et qu’en ce rare honneur d’inspirer un grand roy,
Je passe d’aussi loing tout ce qu’icy nous sommes.
Que la grandeur de Dieu passe celle des hommes.