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Ont creu, d’un oeil jetté sur ce divin soleil,
Sa grace estre leur force, et les loix leur conseil.
Non que j’estime un roy qui laschement conspire
De remettre à Dieu seul les soins de son empire,
Et qui fuit cependant de travailler ses mains
Aux glorieux labeurs dont les sceptres sont pleins :
Car je veux qu’il seconde avec sa vigilance,
Et constance, et justice, et sagesse, et vaillance,
Et les autres vertus dont il est possesseur,
Les faveurs que luy fait le ciel son deffenseur,
Sçachant bien que d’une ame à bien faire animee,
Dieu ne rejette point une priere armee.
Mais il faut qu’il consacre à sa seule bonté
L’honneur de tout le fruict qu’il aura remporté
De ses plus nobles soins, et plus royalles peines :
Et non à l’art trompeur des finesses humaines,
Et non au vain effort des secours d’icy bas
Et non à la fureur des plus fameux combats,
De qui (tant soit leur tiltre, illustre et magnifique)
L’effet n’est qu’un massacre et permis et publique.
En fin, quelque valeur que possede un grand roy,
Le ciel veut qu’en merite il la postpose à moy :
Qu’il l’ait pour éguillon, mais que j’en sois la bride :
Qu’elle entre en ses conseils, mais que moy j’y preside
Que souvent il la croye, et moy journellement :
Qu’elle inspire son cœur et moy son jugement :
Bref que sa cognoissance en rien ne me l’égale,
Ny nulle autre vertu tant soit elle royalle ;
Mais qu’il me face asseoir au premier lieu d’honneur
Se repute sans moy deplorable en son heur ;
La tienne pour utile, et moy pour necessaire :
Et croye, en quelque temps qu’il ait pour adversaire,
Qu’on peut plustost faillir suivant tout que ma loy,
Et se perde avec tout que se sauver sans moy.
C’est en croyant ainsi que ce roy des prophetes
Rendit, sans grand effort, tant de forces deffaites :
Qu’il trompa tant de fois les filets du trespas,
Que la main de l’envie osoit tendre à ses pas ;