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Mais par moy, pour le moins ce qu’on a hazardé,
Se juge bien conçeu, s’il a mal succedé :
Quoy qu’aux lieux où l’on voit regner ma vigilance,
Le dé de la fortune ayt bien peu de puissance.
Soit donc pour la memoire, et pour la gloire encor,
Escrit dedans un cedre avec un stile d’or,
Que des graces du ciel dont l’ame est enrichie,
Il n’apartient qu’à moy d’avoir la monarchie ;
Et que comme leur reyne, et l’ame de leurs loix,
Sur toute autre vertu je suis digne des rois,
À qui tout me cognoist d’autant plus necessaire,
(estant et leur conduitte, et l’oeil qui leur esclaire)
Qu’un guide est estimé par tous discours humains,
Avoir plus besoin d’yeux que de pieds ny de mains.
Icy se teut Phronese : et la vaillante Andrie
Cuidant voir en ces mots sa loüange amoindrie,
Sembloit vouloir respondre, et ja dire tout bas
Qu’elle estoit moins experte en discours qu’en combats,
Et que soustenir l’honneur de sa querelle,
Ses armes volontiers repartiroient pour elle ;
Quand la Saincte Eusebie enflant tout à la fois
Le zele de son ame, et le ton de sa voix,
Voila, voila, dist-elle, avec quelle insolence
Les humains admirants ou leur folle prudence,
Ou leur foible valeur, se vantent tous les jours
Que ce n’est point le bras du celeste secours,
Mais le leur qui les sauve, ou leur seule conduitte
Qui met sans coup frapper leurs ennemis en fuitte.
Ainsi le simple enfant à qui quelque escrivain
Pendant qu’il forme un trait conduit la foible main