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Ce grand roy des françois dont le nom va si loin,
Nous en est pour ce siecle un illustre tesmoin,
Reglant avec tant d’art et tant de vigilance
Ce qu’il a rendu sien avec tant de vaillance,
Et ses palmes encor nous forçant de douter
À qui c’est de nous deux qu’on les doit imputer.
Cependant cent lauriers qui n’ont point fait de veuves,
Et cent ovations nous fournissent de preuves
Que je puis bien gaigner des victoires sans toy,
Ou tu n’en gaignas onc une seule sans moy.
Car j’ay veu maintefois dissiper des armees,
Et prendre des citez superbement fermees
De murs et de rempars hauts de teste et de flanc,
Sans avoir faict respandre une goutte de sang :
Bien qu’on ne se servist que de la ruse antique
D’un degast de campagne où la perte publique
Se changeoit en un bien qui domptoit par la faim
Ceux qu’on n’eust point domptez, par l’effort de la main.
Outre le sage soin de trancher toute voye
A l’espoir du secours non moins que de la proye,
Et vaincre par un art non dependant du sort
Qui combat sans combattre, et force sans effort.
Aussi les plus grands chefs nous ont tousjours conjointes
Comme l’une sans l’autre estans de traicts sans pointes :
Ou bien de traicts poignants pour sanglamment toucher,
Mais qui vollent des mains d’un ignorant archer.
Ainsi Pallas est fainte en la troyenne guerre
Avoir par les combats renversé Mars à terre,
Et monstré combien peut la prudente valeur,
Plus que celle qui bout d’un excez de chaleur.
De qui la force aveugle, et de sens depourveuë,
Ressemble à Polypheme apauvry de sa veuë.
Mais joint ou separé que soit nostre pouvoir,
Tousjours de plus grands biens naissent de mon sçavoir
Que de ta violence, encor qu’elle respande