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Ou prier et jeuner, ou donner franchement,
Ou s’acquerir l’honneur d’estre doux et clement.
Vive donc la vaillance, et vive la memoire
D’un valeureux monarque au temple de la gloire.
Nulle humaine vertu ne couvre tant que moy
Les taches des deffauts qui logent en un roy :
Il est un Aristide, estant un Alexandre :
Car les luisants rayons que je luy fais respandre
Ebloüissent les yeux avec tant de splendeur,
Qu’on n’y remarque rien que lumiere et grandeur.
Au lieu qu’estant privé du lustre que je donne,
Il a beau se vanter d’une double couronne,
Estre prudent, sçavant, fameux en pieté,
Garder la foy promise, observer l’équité,
Avoir en beaux discours la parole feconde,
Il reste contemptible aux autres rois du monde :
Et bien qu’infiniz dons le facent remarquer,
Luy manquant cestuy-là, tout luy semble manquer.
Il tremble dans le cœur au moindre bruit des armes :
Ne s’ayde que de vœux, de plaintes, et de larmes :
Esbranle de sa peur ses plus fermes soustiens,
Et manquant de courage, en desarme les siens :
Bref comme estant muny de vertus pacifiques,
Est mille fois meilleur, és tempestes publiques,
Pour estre un grand pontife, et juger de la foy,
Que pour tenir un sceptre, et paroistre un grand roy.
Comme Andrie achevoit de former ces paroles,
Celle qui nous apprend en ses sages écholes
L’art de ne rien jamais follement attenter,
Tout beau, dit-elle, Andrie : on peut bien se vanter
Sans blasmer ses égaux, et d’un superbe échange,
Convertir leur mépris en sa propre loüange.