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Chacun selon la joye ou l’ennuy qu’il ressent,
Y logeant son pouvoir, ou l’en feignant absent.
Bien te puis-je asseurer, sans qu’aucun en appelle,
Que ce n’est pas icy sa demeure eternelle :
Quelque fois elle y vient, amenant quand et soy
L’antique preud’hommie, et l’honneur, et la foy ;
Mais les estranges tours d’une dame prophane
Que d’un tiltre barbare on appelle Chiquane,
L’affligent tellement qu’ils la font resortir,
Ne pouvant l’une et l’autre ensemble compatir.
Et puis Plute y survient qui luy menant la guerre
Avec ce doux effort dont il regne en la terre,
Et souvent la faisant en larmes retourner,
Est cause qu’on l’y voit rarement sejourner.
Je l’ay veuë habitante en ce senat auguste
Qui seant sur un lit plus royal et plus juste,
Remplit d’edits la France, et croy que maintenant
Tu la pourras trouver encor y sejournant ;
Si les mesmes abus de qui la tyrannie
L’a de tant d’autres lieux ouvertement bannie,
Ne s’y sont point coulez par un chemin doré ;
Mais arriere ce mal d’un lieu si reveré.
Cela dit, il se teut : et l’ange à la mesme heure
Se cachant à ses yeux quitta ceste demeure :
Rendit à l’air le corps qu’il avoit pris de l’air,
Et vers d’autres palais se hastant de voller,
Rencontra la princesse au milieu de la voye,
Qui portant sur le front une evidente joye,
D’avoir en jugement terracé le support
Dont le pire party se rendoit le plus fort,
Venoit de decider, au conseil de nos princes,
Un poinct d’où dependoit la paix de leurs provinces.
Mais ce contentement fut encor augmenté,
Quand elle eut du courrier appris la volonté
De celuy dont les cieux adorent la puissance,
Pour le surnom futur du grand Dauphin de France
Et dés l’heure avec luy parmy l’air se guidant,
Se rendit à la trouppe encor les attendant.