Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/510

Cette page n’a pas encore été corrigée

 histoire :
Suit la gloire, et la cherche és mépris de la gloire :
N’ayme à faire en ce monde aucun bien sans tesmoin ;
Et mesme en bien faisant, du bien n’a point de soin.
Ceste peste de l’ame, et ceste autre manie
Qui jadis eut le nom de Disidaimonie,
Et qui pour craindre Dieu d’un cœur espouvanté,
Reverant sa justice outrage sa bonté,
Crainte vrayment servile et d’erreurs affolee,
Ont rendu d’entre nous Eusebie exilee :
L’une pour n’aymer point, l’autre pour mal aymer
Ce qu’il faut et mieux craindre, et moins en presumer.
Aussi le poste aillé qui cherchoit ses retraittes,
Furettant avec soin les cloisons plus secrettes,
Où le peuple la croit loger incessamment,
N’en trouva jamais rien que les pas seulement ;
Encor qu’il visitast les demeures austeres
De plusieurs renommez et sacrez monasteres :
Mais tousjours au lieu d’elle, entrant en ces saincts lieux
L’une de ces fureurs s’opposoit à ses yeux,
Couverte d’un habit de qui l’humble apparence
Trompant les plus accorts, cachoit leur difference.
En fin pourtant son oeil cherchant de tous costez,
Il la trouva cachee en des lieux escartez,
Où plorant nos erreurs antiques et nouvelles,
Elle passoit les jours en larmes eternelles,
Avec une humble trouppe à qui le mesme soin
D’avoir le monde en haine et de s’en tirer loin,
Avoit fait preferer la rigueur volontaire
D’une austere indigence, en un lieu solitaire,
À la richesse, à l’aise, aux vains tiltres d’honneur,
À quoy les appelloit ce qu’on nomme bon-heur :
Aymant mieux se resoudre à perdre ces delices,
Que d’en estre perduë és eternels supplices.