Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/506

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et d’autres qui vivants à jamais signalez
Se sont pour leur patrie eux-mesmes immolez :
Et de qui les beaux faits, pour l’honneur qu’ils meritent,
Desesperent les cœurs autant qu’ils les incitent.
Aussi mourants ainsi, les hymnes et les fleurs
Honoroient leurs convois, non les cris ny les pleurs :
Car la fleur de leurs noms n’estoit jamais flestrie,
Et pour le moins leur mort servoit à leur patrie :
Au lieu que le trespas qui conduit au cercueil
Ces jeunes forcenez n’est digne que de dueil :
Leur courage les perd sans profit et sans gloire,
Et ne reste rien d’eux qu’une triste memoire
Qui fait qu’en condamnant la fureur qui les poind
On les honore assez de ne les blasmer point.
Voy que de cavaliers fameux par leur vaillance
Ont fait en ces duels avorter l’esperance
Que l’on concevoit d’eux, frustants indignement
Les rois leurs bien-faicteurs du glorieux pay’ment
Qu’on attend d’un guerrier ayant sa renommee
Le jour d’une bataille au milieu d’une armee :
Et donnans aux fureurs des boüillons insensez
Dont leurs jeunes esprits monstrent d’estre poussez
Ce qu’ils devoient offrir d’un plus saint sacrifice,
À leur prince, à la France, à leur terre nourrice !
On composeroit d’eux (si tels qu’ils estoient lors
Ils retournoient icy du royaume des morts)
Non un seul esquadron, mais une armee entiere
Qui seule aux escrivains fourniroit de matiere,
Et qui pleine d’Hectors, d’Achille, de Cesars,
Comme en son élement se plairoit aux hazards :
Ains qui suivant les pas de son valeureux prince,
Rendoit tout l’univers enclos en sa province.
Au lieu qui maintenant ils sont dans le tombeau
Regrettans la clarté du celeste flambeau,
Ou là bas en des lieux eternellement sombres
Se battans sans sujet avec des pauvres umbres.