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Qui n’estimera pas luy pouvoir faire injure
Le soüillant vilement par un lasche parjure ;
Ou sans aucun respect de devoir ny de foy
Trahissant meschamment sa patrie ou son roy,
Ou rendant une place avant que l’on l’assaille,
Ou fuyant des premiers au jour n’une bataille.
Ainsi l’esprit attaint d’une bigotte erreur,
Croit commettre un peché presque digne d’horreur,
Quand par oubly des loix qu’à prescriptes l’exemple
Non lavé d’eau sacree il entre dans un temple :
Et l’insensé qu’il est, nul regret ne le mord
D’avoir precipité l’innocent à la mort
Par un faux tesmoignage, ou par la violence
Que fait aux sainctes loix une injuste sentence :
Ains rit de voir gemir és laqs qu’il a broüillez
La vefve et l’orphelin de tous biens despoüillez.
Ces valeureux romains, vainqueurs de tout le monde,
Ne fondoient point l’honneur où cet âge le fonde,
Ny n’en estimoient point la gloire consister
À faire avec l’espee un mot interpreter,
Pointiller sur un rien, et s’acquitter l’estime
Que cherchent les dueils en leur sanglante escrime.
De preceptes plus saincts dés leur enfance imbuz,
Ils ignoroient l’usage, aussi bien que l’abus
D’un appel, d’un second, d’un cartel homicide
Sinon lors que les loix leur en laschoient la bride,
Pour la gloire publique, encontre la valeur
D’un publique ennemy se prenant à la leur.
Mais quand d’une vertu de loüange affamee
Il falloit des premiers enfoncer une armee,
Ou de grands coups de traits percez de part en part,
Vainqueurs aller mourir sur le haut d’un rempart,
Ou s’abismer tous vifs dedans la gueule ouverte
D’un gouffre qu’ils devoient refermer par leur perte,
Ils le sçavoient bien faire, et sans peur du trespas,
Nul homme en ce chemin ne devançoit leurs pas.
Tesmoin en est encor la magnanime audace
D’un Curce, d’un Decie, et d’un vaillant Horace,