Et ce qui rend plus dure
La misere où ie vy,
C’est, és maux que i’endure,
La mémoire de l’heur que le Ciel m’a rauy.
Felicité passee
Qui ne peux reuenir :
Tourment de ma pensee,
Que n’ay-ie en te perdant perdu le souuenir !
Helas ! il ne me reste
De mes contentements
Qu’vn souuenir funeste.
Qui me les conuertit à toute heure en tourments.
Le sort plein d’iniustice
M’ayant en fin rendu
Ce reste vn pur supplice,
Ie serois plus heureux si i’auoy plus perdu.
Celuy seul qui mesprise
Les appasts amoureux,
Et garde sa franchise,
Est sage et bienheureux.
Et tout ainsi
Que d’amour il n’espere
Ny grace ny salaire,
Il n’en craint rien aussi.
Il se mocque des larmes
Des amants insensez ;
Il se rit des allarmes
Dont ils sont trauersez :
Et dans la mer,
Sous l’effort de l’orage,
Il les voit du riuage
Eux-mesmes s’abysmer.