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M’arreste par la dextre, et dedans mon oreille
Fait couler ce propos de sa bouche vermeille.
Mon fils, quelle douleur allume en tes esprits
Ce violent courroux dont ils sont tous espris ?
À quoy tant de fureur ? La pieté cognuë
Du juste soin des tiens qu’est-elle devenuë ?
Veux-tu point voir plustost où tes pas ont laissé
Ton pere et tout debile et des ans oppressé ?
Voir si parmy ces maux ta fidelle compagne
Te reste encor en vie, avec ton cher Ascaigne ?
Autour de qui sans cesse errent de toutes parts
Et les troupes des grecs, et les fureurs de Mars :
Et que (sans mon soucy s’opposant à la rage
De la flamme et du fer qui tout brusle et saccage)
L’ardeur de tant de feux à l’entour allumez,
Et l’espee ennemie auroit ja consumez ?
Ce n’est point (comme il semble à la pensee humaine)
L’odieuse beauté d’une dame spartaine,
Ny le rapt de Paris tant condamné de tous,
Mais la rigueur des dieux donnants trop au courroux,
Qui destruit cet empire, et qui fait que l’on voye
Trebuscher la puissance et la gloire de Troye.
Regarde : (car ma main va rendre dissipé
D’alentour de ton oeil par l’ombre enveloppé,
L’invisible broüillas de qui l’humide nuë
Epointe les rayons de ta mortelle veuë :
Toy, ne fuy nul conseil que le celeste soing
De ta mere deesse apporte à ton besoing)
Icy pres, où tu vois ces masses trebuschees,
Et ces roches ainsi des roches arrachees
Vomir des flots de pouldre, et bruyant les mesler
Aux grands flots de fumee ondoyans dedans l’air :
Neptune secoüant les terrestres entrailles,
Et de son grand trident esbranlant les murailles,
Dont encor le loyer rend son cœur irrité,
Va jusqu’aux fondements destruisant la cité.
Icy Junon s’assied sur les portes de Scaee
Toute ceinte d’acier, et de haine insensee :