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Contre les autels mesme, où cruel il empestre
Dedans ses cheveux blancs les doigts de la senestre,
Et tenant son poignard flambant en l’autre main,
Jusqu’à l’or de la garde il le luy cache au sein.
Telle fin eut Priam, telle ses destinees,
Et telle mort trencha le cours de ses annees,
Regardant Troye éprise horriblement flamber,
Et jusqu’aux fondemens ses pergames tomber :
Luy jadis si grand prince, et de qui la puissance
Vit l’Asie autrefois luy rendre obeïssance :
Maintenant un grand tronc sur l’arene couché,
Dont le corps est sans nom et le chef arraché.
Ce fut là qu’une horreur tout autour épanduë
Entra premierement en mon ame éperduë :
L’image paternelle y coule avec effroy,
Voyant si sanglamment meurtrir un si grand roy
De qui l’âge tremblant égaloit ses annees :
Creuse, et ma maison au sac abandonnees
Augmentent ceste crainte, et la peur des hazards
Dont mon petit Jule est ceint de toutes parts.
Je regarde à l’entour et mon oeil cherche à l’heure
Quelle troupe restee encore me demeure :
Tous m’ont abandonné, las de tant de combats,
Et d’un saut hazardeux se sont lancez à bas,
Ou transpercez de coups et prests à rendre l’ame
Se sont par desespoir jettez dedans la flame.
Ainsi donc resté seul, et ce soin me pressant,
J’avançois mon retour, quand j’advise en passant
Dans le temple de Veste, Helene retiree
Se cacher pres du sueil des autres separee.
Cent clairs embrassemens me fournissent de jour,
Errant, et sans repos jettant l’oeil tout autour.
Elle qui des troyens ayant destruit l’empire
Tremble que leur douleur ne s’en vange en son ire,