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Ceux aussi que par l’ombre et l’horreur de la nuit,
Es destours où le feu moins clairement reluit,
Nostre embusche a surpris, et d’une aspre poursuite
Chassez par tous les coins de la cité destruite,
Viennent lors à paroistre, et remarquer les dards
Qu’ils ont veu dans leur sang rougir en mille parts :
Et des pavois menteurs la tromperesse image,
Et le son estranger des accens du langage.
En fin donc nous trouvans par le nombre accablez,
Choroebe le premier, sous maints coups redoublez,
Tombe comme une hostie à Minerve immolee,
Au pied de son autel, du bras de Penelee.
Riphee y tombe aussi, l’homme le plus entier,
Et mieux guidant ses pas dans le juste sentier,
Que le soleil vist point en toute la Phrygie :
Mais ainsi pleust aux dieux dont la Parque est regie !
Hypanis, et Dymas, par un malheureux sort,
De nos compagnons mesme y reçoivent la mort :
Et ne te sauva point d’une mortelle attainte,
Panthe, ta pieté si constante et si sainte :
Mais soüillas en ton sang versé par ce méchef,
La mitre d’Apollon qui couronnoit ton chef.
Vous, cendres d’Ilion, et vous derniere flame
De ce qui me touchoit plus tendrement à l’ame,
Je vous atteste icy qu’en vous voyant perir,
Je n’évitay hazard que je puisse encourir,
Ny trait lancé des grecs en ces tristes allarmes :
Et que si le destin eust permis à leurs armes
De m’y faire tomber sous leurs coups inhumains,
Je l’avois merité par l’effort de mes mains.
Nous sommes arrachez de ce sanglant carnage
Pelie, Iphite et moy : dont Iphite sent l’âge
Appesantir ses pas, et Pelie est contraint
De retarder le sien, d’un coup d’Ulysse attaint.
Cent cris qui pleins d’effroy vont aux flammes celestes,
Nous appellent du bruit de leurs plaintes funestes,
Au palais de Priam, où la fureur de Mars
Fait plouvoir tant de morts, fait voller tant de dards,