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Comme quand il advient que la flamme devore
Les blondissants tresors dont la plaine se dore :
Ou qu’un torrent enflé de neige qui se fond,
Precipitant son cours de la cime d’un mont,
Essourde les costaux du bruit qui l’accompagne :
Saccage tous les bleds riants par la campagne :
Et perdant les labeurs des fertiles guerets,
Entraine sur ses flots les antiques forests.
Le pasteur est saisi de crainte et de merveille
Recevant d’un haut roc ce bruit en son oreille.
Lors l’embusche des grecs et le but incognu
De leurs traistres desseins me paroissent à nu.
Ja l’ire de Vulcan commence à tout éprendre :
L’hostel de Deiphobe est ja reduit en cendre :
Ucalegon voisin commence à s’enflammer.
L’éclat d’un si grand feu jaunit toute la mer
Qui dort pres de Sigee en ses ondes muettes.
Un cry d’hommes se mesle au bruit de cent trompettes.
Impatient je m’arme, et si nulle raison
Ne m’excite à m’armer en si triste saison :
Mais je brusle d’ardeur d’aller par cet orage
Me perdre en ma patrie et suivre son naufrage.
Poussé de ce desir à grands pas je descens :
L’ire avec la fureur precipitent mes sens :
Et mon cœur va penser qu’ayant en main les armes,
Il est beau de mourir au milieu des allarmes.
Là dessus en effroy Panthe s’offre à mon oeil :
Panthe garde du fort, et prestre du soleil,
Qui sauvé de la flamme et des grecques atteintes,
Portant nos dieux vaincus et leurs reliques saintes,
Et trainant par la main son petit fils pleurant,
Insensé de frayeur tend au port en courant.
Et bien, Panthe, en quel point en est nostre fortune ?
Nous reste-il plus de fort, ny d’esperance aucune ?
À peine en luy parlant ma bouche eut ainsi dit,
Que sa voix gemissante ainsi me respondit.
Le dernier jour prefix aux murs de Dardanie
Est en fin arrivé, leur duree est finie :
Il