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Et toucher de leurs doigts de sang encor tachez
Les rubans virginaux à son front attachez :
Depuis ceste heure-là, leur attente premiere
Commença renversee à couler en arriere :
Leurs forces à se rompre, et le cœur indigné
De la deesse mesme à s’en rendre esloigné.
Ce qu’on n’a point cogneu par la lumiere obscure
D’un ambigu prodige ou d’un douteux augure :
Mais son image à peine entre nous se planta,
Qu’une luisante flamme en ses yeux éclatta,
Qu’il courut par son corps une sueur sallee,
Et qu’elle mesme en fin, de nul autre ébranlee,
Secoüant en ses mains sa lance et son pavois
(spectacle merveilleux) tressauta par trois fois.
Lors Calchas vient chanter que sur l’ondeuse plaine
Il faut prendre le vol d’une fuitte soudaine,
Et que le mur troyen ne peut estre abbatu
Par nul guerrier effort de la grecque vertu :
Premier que recourant à de nouveaux presages,
On ait dedans Argos remporté les images
Des dieux que nos vaisseaux chargerent avec eux,
Et rendu leur faveur plus propice à nos vœux.
C’est pourquoy, desancrez des troyennes arenes,
Ils courent maintenant la route de Mycenes,
Afin que de nouveau s’estant armez les mains
Et de l’ayde celeste et des secours humains,
D’un impreveu retour ils vous viennent surprendre.
Ainsi Calchas l’ordonne, ainsi faut-il l’attendre.
Cependant, pour l’erreur commise en ravissant
Le sainct palladion, et Minerve offençant,
Advertis par les dieux, ils ont en recompense
Construit ce grand cheval, l’amende de l’offence,
Que Calchas leur a faict ainsi haut eriger,
Afin que l’on ne puisse en vos murs le loger,
Et qu’on n’en mette encor et le peuple et l’enceinte
Dessous l’antique abry de sa tutelle sainte :
Les oracles secrets leur ayants revelé,
Que si de vostre main vous aviez violé