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Des champs où l’ennemy souloit estre campé,
Et le rivage ondeux non plus lors occupé.
Là logeoit le Dolope, icy le grand Pelide :
Là campoient les vaisseaux en leur quartier humide :
Et là les escadrons se souloient affronter,
Et de coups mutuels la terre ensanglanter.
Une partie admire, et regarde sans cesse
Le funeste present de l’attique deesse,
Ce grand monstre de bois plein de traits et d’epieux :
Et Thymoete à grand’peine en destournant ses yeux,
Conseille le premier à la tourbe ignorante
Que dans le chasteau mesme en trophee on le plante :
Soit qu’il prestast la main aux desseins ennemis,
Ou soit que nos destins l’eussent ainsi permis.
Mais Capys, et tous ceux qui dedans leur courage
Receloient un penser plus utile et plus sage,
Commandoient au contraire, ou qu’on fist abysmer
Un present si suspect au profond de la mer,
Ou qu’on donnast en proye aux plus ardantes flames
Cet artifice grec menassant nos pergames :
Ou qu’on ouvrist ses flancs, et qu’en leur antre ouvert
On vist ce qu’ainsi creux ils tenoient de couvert.
Sur ces divers conseils, les advis populaires
Se fendans en deux parts l’une à l’autre contraires,
Voila que du chasteau courant descend a bas,
Au front d’une grand’troupe accompagnant ses pas,
L’ardant Laocoon, qui d’une voix aigrie
Tançant le peuple esmeu, de loin ainsi s’escrie :
Malheureux citoyens contre vous conjurez,
Quelle fureur seduit vos esprits égarez ?
Estimez-vous les grecs avoir rompu leur siege ?
Pensez-vous que leurs dons manquent de quelque piege ?
Cognoissez-vous ainsi les infideles tours
Qu’Ulisse à vostre dam pratique tous les jours ?
Ou dans ce ventre creux des troupes embuschees,
Pour quelque grand dessein, se retiennent cachees :
Ou ce corps de machine ainsi haut se dressant
Regarde nos ramparts et les va menaçant,