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Mais soit-il faux ou non : il me plaist de le croire,
Quelque obstacle nouveau qu’y mette ceste histoire.
Un bien, encor que faux, paist l’ame de plaisir,
Tant que pour veritable il est creu du desir.
Ainsi dist et fist-il, nourrissant sa pensee
De l’espoir que l’image à ses yeux addressee
Venoit de faire naistre en son cœur amoureux,
De vivre encor au rang des amants bien-heureux.
Il est vray que tousjours la miserable crainte
D’esprouver que ce bien ne fut rien qu’une fainte,
Travaillant son esprit luy faisoit desirer
Qu’un gage plus certain l’en voulut asseurer :
Mais la beauté qu’Amour luy rendoit un miracle
Seule pouvoit changer ce doute en un oracle.
Attendant donc qu’un jour son exil accourcy
Permist que par sa bouche il s’en veit éclaircy,
Pour servir cependant d’entretien à sa vie,
Il estima suffire à ceste ardante envie
De sçavoir que la belle, au declin d’un tel jour,
Eust releu quelque escrit tesmoin de son amour :
Afin qu’alors la preuve en estant manifeste,
Il peust en son esprit concevoir tout le reste :
Et par là s’asseurer qu’à son oeil abusé
Les demons invoquez n’avoient point imposé.
C’est pourquoy ce desir n’ayant eu nulle cesse
Qu’il n’en eust par escrit consulté sa deesse,
Elle sans luy nier ny confesser aussi
Que la verité fust ny ne fust pas ainsi,
Par sa response accorte emplit son esperance
D’un doute où reluisoit l’evidente asseurance
De la grace attenduë, et parmy cent appasts
Advoüa sa demande en n’y respondant pas.
Bien reprist-elle en luy cet estrange remede
Où l’ennuy qui les cœurs en absence possede
Avoit fait recourir ses miserables yeux,
Comme un remede impie et condamné des cieux.