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Rend ta vie et ma fin l’œuvre d’un mesme ouvrier,
En regrettant la mort, honore le meurtrier.
Adieu, la mort s’assied en ma froide prunelle :
Adieu Gernande, adieu d’une absence eternelle :
Encor qu’avant le jour mon âge consumant
Je meure par ta main, si mourray-je en t’aimant.
Ô celeste clemence : elle vouloit poursuivre,
Mais ce qui de tout soin icy bas nous delivre,
Cachant à ses regards la lumiere des cieux,
Luy ferma pour jamais et la bouche et les yeux.
Cependant le doux son de ces tristes paroles
Rendant des assistans les paupieres plus moles,
Et les moüillant de pleurs, acquist tant de pouvoir,
Que Gernande à la fin s’en laissant émouvoir,
Luy qui presque d’horreur semblable à quelque souche,
Tandis qu’elle parla s’estoit fermé la bouche :
Estonné de luy voir maintenir constamment
Sa chaste integrité jusqu’au dernier moment,
Et s’esteignant l’accez de la fievre insensee
Dont peut-estre un demon agitoit sa pensee,
Et ce qu’il estimoit fermement averé
Commençant à se rendre en luy mal asseuré :
Ah dieu, dit-il, Ogiere, ah magiques figures,
M’auriez-vous bien en fin abreuvé d’impostures ?
Ces mots, tesmoins d’un cœur qu’un remords a surpris,
Frappans du magistrat l’oreille et les esprits,
Luy firent demander vers quel but decochees
Tendoient secrettement ces paroles cachees :
Et luy, comme saisi de ce vain repentir
Qu’estre sages trop tard nous contraint de sentir,
Recourt avec les pas de sa triste memoire,
D’Ogiere et du miroir la malheureuse histoire :
Luy conte quels objects opposez à ses yeux
L’avoient à l’heure outré de cent jaloux épieux :
Et de quelle douleur, comme un trait débandee,
L’avoit depuis attaint la rencontre d’Adee,
Lors que rentrant chez soy, frappé du coup mortel
D’un tort ou veritable, ou senty comme tel,
Il